Le saule pleureur
Le cortège des agents parasitaires qui défile sur les saules pleureurs est important, mais aucun d'entre eux ne représente actuellement une menace sérieuse pour la survie de l'espèce.
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PORTRAIT DE L'ARBRE
Appartenant à la famille des salicacées – comportant notamment le genre Populus – le saule pleureur est dénommé « vrai saule pleureur » ou « saule de Babylone » (Salix babylonica). Cette appellation lui a été attribuée au XVIIIe siècle par le naturaliste Carl von Linné en référence aux « saules du rivage » décrits par les juifs captifs de Babylone dans le psaume 137 de la Bible. Pourtant, l'essence présente dans la région était plutôt le peuplier de l'Euphrate (Populus euphratica), arbre indigène peuplant le bord des cours d'eau. En réalité, le saule pleureur est certainement originaire de Chine ou d'Extrême-Orient ; il a été importé en Europe en 1692 en provenance du Japon. Les lignées présentes en Europe sont des hybrides provenant du croisement entre l'espèce type d'origine chinoise Salix babylonica 'Pendula' et le saule blanc (Salix alba) ou le saule fragile (Salix fragilis) et seuls des pieds femelles sont présents. Plusieurs variétés existent, dont le saule tortueux à bois vert (Salix babylonica 'Tortuosa') et le tire-bouchon aux feuilles fortement spiralées formant des anneaux (Salix babylonica 'Annularis'). Tous se multiplient très facilement par bouturage. Une espèce est morphologiquement très proche du « vrai saule pleureur » : le blanc pleureur (Salix alba 'Pendula'). Cette variété horticole d'origine européenne développe des rameaux de teinte plus claire.
Le houppier du Salix babylonica est de forme arrondie et ses branches très souples retombent jusqu'à toucher le sol. La hauteur de l'arbre varie de 10 à 15 m, mais certains sujets peuvent atteindre 20 m. Ses feuilles sont étroites et très légères, vert foncé dessus et argentées dessous. Le bois clair, tendre et souple, est un piètre combustible qui brûle très vite. Contrairement à celle de nombreux Salix, l'écorce du saule pleureur ne contient pas de salicine ni d'acide salicylique (substance fébrifuge utilisée en médecine). L'arbre débourre de façon très précoce au printemps – dès le début mars – et perd ses feuilles tardivement à l'automne. Sa floraison survient en avril et mai, et attire de nombreux insectes floricoles dont de précieux auxiliaires.
Le saule pleureur, très décoratif, a été largement planté dans les parcs et les jardins, et il est très apprécié aux abords d'une pièce d'eau ou le long d'un cours d'eau. Il confère aux lieux une ambiance paisible et romantique. Compte tenu de sa croissance très rapide et de son important développement, sa plantation est déconseillée dans les petits jardins car il devient vite envahissant. En raison de la forte attirance de ses racines pour les points d'eau, il doit être éloigné des canalisations enterrées et des bassins bâtis. L'agressivité des racines cause parfois de sévères dommages aux ouvrages (soulèvement des dalles, descellement des canalisations...). Afin de limiter son développement, le saule pleureur peut être conduit en taille architecturée sur « tête de chat ». Il tolère bien ce mode de gestion à condition d'intervenir fréquemment (taille annuelle ou bisannuelle), de ne jamais endommager les « têtes » qui produisent les rejets et de ne pas pratiquer de coupes de fort diamètre. Son bois est particulièrement vulnérable aux champignons lignivores qui s'installent à la faveur de plaies.
SENSIBILITÉS ENVIRONNEMENTALES
Le saule pleureur ne supporte pas les sols secs. Il doit impérativement être planté à proximité d'un point d'eau ou dans un sol qui reste humide pendant l'été. Il préfère les sols limono-argileux et souffre dans les terrains sableux trop filtrants. Lorsqu'il manque d'eau, son feuillage jaunit et tombe prématurément. Le saule pleureur supporte même les submersions prolongées. Il est capable de venir en régions méditerranéenne à condition d'avoir les « pieds dans l'eau ». Il affectionne les terres à pH neutre (6 à 8), mais peut s'accommoder d'un peu d'acidité. Il accepte la présence de calcaire dans le sol tant qu'il n'est pas en excès.
Exigeant en lumière, il dépérit s'il est planté sous le couvert de grands arbres. En raison de la précocité de son débourrement, il est sensible aux gelées printanières qui entraînent le dessèchement des jeunes pousses. Mais l'arbre n'est finalement que peu affecté, car des bourgeons de remplacement apparaissent et de nouvelles pousses se développent. Le saule pleureur peut souffrir de la présence de vents forts qui provoquent des bris de branches. Il est également vulnérable aux chutes de neige importantes et craint les pluies verglaçantes. L'essence semble relativement tolérer la sursalinité de la solution du sol et résiste assez bien aux sels de déneigement.
GRANDES AFFECTIONS PARASITAIRES
Parmi les nombreux agents parasitaires qui défilent sur les saules pleureurs, seul le pourridié à armillaire peut entraîner la mort de l'arbre, mais son développement reste souvent localisé et dépend étroitement des conditions de milieu.
Affections des feuilles et des jeunes pousses
Sur les bourgeons en croissance, une espèce d'acariens ériophyides, Eriophyes triradiatus, s'installe parfois et entraîne une surprenante déformation et anarchie des pousses. Les feuilles s'atrophient et les tissus s'épaississent. Des masses compactes apparaissent dans les houppiers ; elles se dessèchent en fin de saison, mais persistent sur les silhouettes hivernales. Les dommages occasionnés sont insignifiants. Appartenant à la famille des tétranyques, l'acarien des saules (Schizotetranychus schizopus) se développe au revers des feuilles étalées provoquant leur décoloration progressive. Lorsque les conditions environnementales leur conviennent – un temps chaud et sec, et une ambiance confinée –, ses populations pullulent et déclenchent une chute prématurée du feuillage.
Du côté des insectes piqueurs-suceurs, le puceron des osiers (Chaitophorus beuthami), de couleur jaune sombre à verdâtre, peut prendre place au revers des feuilles. Ses colonies sont très populeuses parfois, mais leurs dégâts restent sans gravité. Sur les pousses de l'arbre, les « crachats de coucou » sont des amas spumeux qui cachent la larve d'un insecte de la famille des cercopidées, l'aphrophore des saules (Aphrophora salicis). Elle se nourrit en ponctionnant la sève de la plante et confectionne cette mousse protectrice.
Très nombreux sont les insectes défoliateurs attirés par le saule pleureur. Parmi eux, des coléoptères, la chrysomèle du peuplier (Chrysomela populi) ou la petite chrysomèle des saules (Plagiodera versicolara). Les larves au comportement grégaire dans leur jeune âge vivent au revers des feuilles et les décapent. Les adultes au corps caparaçonné sont de couleur orangé vif à noir, aux reflets brillants. Quelques espèces d'hyménoptères dont la tenthrède des osiers (Nematus pavidus) s'aventurent également sur le feuillage des saules pleureurs. Leurs « fausses chenilles » adoptent une position caractéristique en redressant leur extrémité abdominale formant un « S » lorsqu'elles sont dérangées. Enfin, plusieurs espèces de lépidoptères plus ou moins spécifiques des Salix se montrent parfois. Parmi eux, l'hyponomeute des saules (Yponomeuta rorrella), dont les populations sont parfois localement très importantes. Les abondants filaments soyeux qu'il tisse entourent les branches des arbres.
Lors de printemps humides, des maladies cryptogamiques peuvent abonder sur le feuillage des saules pleureurs. Certaines développent des taches sombres sur les feuilles (Drepanopeziza salicis, Marssonina dispersa...). Lors de fortes atteintes, ces champignons entrainent une chute prématurée du feuillage. L'anthracnose du saule (Drepanopeziza sphaeroides) se déclare très tôt en saison lors du débourrement des arbres. Les jeunes feuilles tachées de noir se déforment et se nécrosent. Sur les pousses, des petites zones chancreuses noirâtres en forme d'ellipse s'étendent.
Une chute des feuilles et des dessèchements de rameaux peuvent survenir. Il est à noter que les arbres régulièrement taillés sont épargnés car le champignon se conserve en hiver dans les zones chancreuses sur les rameaux. Quant à la rouille (Melampsora sp.), elle fait rarement son apparition sur le saule pleureur ; elle s'identifie par la présence de pustules au revers des feuilles.
Parasites et ravageurs des rameaux et des branches
Sur les écorces des branches, la cochenille du saule, Chionaspis salicis, expose ses boucliers blanchâtres piriformes. Ses larves visibles au cours du printemps se remarquent par leur coloration rougeâtre. Lorsqu'elles sont nombreuses, elles peuvent affaiblir leur hôte, tout particulièrement les jeunes saules. Les colonies du grand puceron du saule (Tuberolachnus salignus) forment des manchons sombres sur les jeunes troncs ou à la base des charpentières sur un sujet adulte. Le miellat produit se répand sous les arbres attaqués et attire de nombreux insectes dont les frelons germaniques. De la fumagine recouvre rapidement les écoulements sucrés.
Les branches et les rameaux peuvent être la proie de champignons parasites responsables de chancres (Glomerella cingulata, Cytospora salicis babilonicae, Cryptodiaporthe salicella...). Ces affections s'observent essentiellement sur des sujets peu vigoureux, préalablement affaiblis.
Parmi les insectes xylophages à l'ouvre sur le saule pleureur, les larves de la grande saperde du peuplier (Saperda carcharias) s'installent dans les troncs alors que celles du cossus gâte-bois (Cossus cossus) affectionnent plutôt la base des fûts et les souches. Quant à celles de la sésie apiforme (Sesia apiformis), elles prennent leurs quartiers dans les mâts racinaires tout en remontant au collet des arbres à la fin de leur cycle de développement.
Affections racinaires
Seul le pourridié à armillaire (Armillaria mellea) peut investir les racines des saules pleureurs et provoquer leur mort brutale. Le champignon ne colonise que des sujets en difficulté ayant souvent subi des mutilations racinaires. Des palmettes mycéliennes blanches sous l'écorce au collet signent sa présence.
Champignons lignivores
Le ganoderme européen (Ganoderma adspersum) s'épanouit au collet de l'arbre. Il est responsable d'une pourriture blanche fibreuse des mâts racinaires remontant dans la base des troncs. La partie aérienne est plutôt convoitée par le polypore soufré (Laetiporus sulfureus). Il se remarque par ses consoles de couleur jaune soufre à orangé qui apparaissent en groupe. Il génère une active pourriture rouge cubique du bois. Quant au faux amadouvier (Phellinus ignarius), assez spécifique du genre Salix, il développe ses fructifications coriaces sur les troncs, mais ne génère généralement pas de pourritures internes très étendues. Enfin, le phellin tacheté (Phellinus punctatus) peut prendre place sur le tronc des arbres à partir d'importantes plaies ; il provoque une pourriture blanche particulièrement cassante.
Pierre Aversenq
Pousses fortement déformées par Eriophyes triradiatus générant un amas de tissus desséchés persistant dans le houppier.
« Crachat de coucou » ou amas spumeux recouvrant la larve de l'aphrophore du saule (Aphrophora salicis).
Larves noires de la petite chrysomèle des saules (Plagiodera versicolara) décapant le limbe foliaire sur sa face inférieure.
Chenille de la sésie apiforme (Sesia apiformis) dans sa galerie sous-corticale lors de sa remontée au collet de l'arbre.
Chapeaux volumineux et imbriqués du polypore soufré (Laetiporus sulfureus). PHOTOS : PIERRE AVERSENQ
Petits chancres noirs (Glomerella cingulata) sur de jeunes rameaux entraînant des dessèchements de pousses printanières.
Taches sombres d'origine cryptogamique (Drepanopeziza salicis) sur des feuilles de Salix.
Fausse chenille de la tenthrède des osiers (Nematus pavidus) en position défensive.
Colonie du grand puceron du saule (Tuberolachnus salignus) à la base d'un jeune tronc.
Console coriace et pluriannuelle du faux amadouvier (Phellinus ignarius) sur le tronc d'un vieux Salix.
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